En 1347, un voilier amarré dans un port méditerranéen a libéré sans le savoir l’un des agents pathogènes les plus meurtriers de l’Histoire. A bord, en plus de sa cargaison et des passagers se trouvaient des petits clandestins : des rats noirs infestés de puces porteurs de la peste bubonique. Ce scénario s’est répété plusieurs fois dans les ports de toute l’Europe, et chaque fois les mêmes conséquences : maladie, souffrance et mort à une échelle cataclysmique. Les années 1347-1351 ont éprouvé l’Europe, en prise à la pire pandémie de son Histoire : au moins un tiers de la population européenne est morte des suites de ce que l’on a plus tard appelé la peste noire.
Origine et Etymologie
La peste, dont le nom vient du latin pestis (« fléau »), n’a été identifiée qu’en 1894 par le médecin Alexandre Yersin, disciple de Louis Pasteur. Elle provient d’un microbe très résistant qui porte le nom de son découvreur : le bacille de Yersin. Il existe à l’état naturel chez certains rongeurs d’Asie et peut être transmis par l’intermédiaire de puces à des rats, puis à l’homme. La puce en question étant rebutée par l’odeur des moutons et des chevaux, les bergers et les palefreniers n’étaient pas contaminés par la maladie.
Un fléau terrifiant
Bien que l’Europe médiévale soit en proie à de nombreuses maladies infectieuses, dont la dysenterie, la grippe, la rougeole et la lèpre, particulièrement redoutée. C’est la peste qui a le plus marqué les esprits. La peste s’est propagée plus rapidement, plus largement et plus brutalement qu’aucune autre maladie jusqu’alors.
Cette épidémie a fondamentalement modifié la vie sociale, économique et religieuse des survivants, impactant durablement les esprits. Incurable et se propageant à grande vitesse, elle a semé un vent de panique. Personne n’était n’était en sécurité pas plus les princes que les paysans. Il n’est pas étonnant que les chroniqueurs médiévaux aient souvent pris un ton dramatique, voire apocalyptique.
“Il est impossible à la langue humaine de raconter l’affreuse vérité, écrit le chroniqueur siennois Agnolo di Tura. On ne trouvait personne pour enterrer les morts, par argent ou par amitié. Les membres d’une famille apportaient leurs morts dans un fossé comme ils le pouvaient, sans prêtre, sans offices divins. […] De grandes fosses furent creusées et empilées avec la multitude des morts. Et ils mouraient par centaines, de jour comme de nuit, et tous étaient jetés dans ces fossés et recouverts de terre. Et dès que ces fosses étaient remplies, on en creusait d’autres. Moi, Agnolo di Tura, j’ai enterré mes cinq enfants de mes propres mains… Et il y eut tant de morts que tous crurent que c’était la fin du monde.”*
*Source : https://www.geo.fr/histoire/la-peste-noire-histoire-dune-epidemie-meurtriere-204081
Maladie aux deux visages
La maladie peut revêtir deux formes distinctes ou combinées. La peste bubonique se transmet par l’intermédiaire de la puce du rat et se caractérise par l’apparition de bubons (énormes ganglions) à l’aisselle, l’aine et au cou. Le corps se couvre rapidement de pustules, les membres noircissent et le malade convulse et vomit du sang. Un tiers des patients en réchappe. Transmise d’homme à homme par inhalation, la forme pulmonaire est quant à elle gravissime et conduit inexorablement à la mort par asphyxie dans les trois jours.
La seule façon d’échapper à la maladie est de fuir les malades et de s’isoler, opérant une sélection sociale car seuls les riches à l’époque avaient les moyens de se réfugier dans leur maisons à la campagne.
Châtiment divin
Les remèdes de la médecine médiévale (incisions des bubons, saignées, isolement des malades) étant inefficaces, les populations touchées par la peste se tournent vers le spirituel, et interprètent la peste comme un châtiment divin. Le milieu du XIVème siècle est ainsi marqué par une flambée de phénomènes d’hystérie collective, comme les processions de flagellants, qui se mutilent en public pour faire pénitence.
La pandémie se termine en 1352, laissant dans son sillage les économies exsangues et les sociétés déstabilisées. La peste noire aurait contribué, selon certains historiens, au passage du Moyen-Âge à la Renaissance en Europe occidentale.
La peste aujourd’hui
La peste est une maladie qui sévit toujours de nos jours en Afrique, Asie et Amérique et fait partie des maladies actuellement ré-émergentes dans le monde. Elle est soumise à une réglementation internationale. Le nombre de cas déclarés par l’OMS est en progression dans certaines régions. Les fluoroquinolones, les tétracyclines, et également la streptomycine, sont des antibiotiques parfaitement efficaces s’ils sont administrés à temps.
Le saviez-vous : Qu’est-ce que le sérum de Yersin ?
Le sérum de Yersin est une souche homéopathique obtenue à partir d’une dilution du sérum anti-pesteux pour limiter les complications pulmonaires de la grippe. Il tire son nom du Dr Alexandre Yersin qui a développé en 1894 le sérum anti-pesteux : celui-ci permettait le développement d’anticorps contre la peste en injectant la peste atténuée à des animaux. Aujourd’hui, les ovins, caprins et bovins ne sont plus utilisés pour fournir ce sérum. Actuellement il est d’origine chevaline ou porcine.
Sources :